La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le rapport



L’étude indépendante In Plain Sight qui porte sur le racisme et la discrimination à l’égard des Autochtones dans le système de soins de santé de la Colombie-Britannique a expressément cherché à renforcer les droits humains des Autochtones dans son mandat d’examen de preuves, d’analyse de constats et de formulation de recommandations. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) est un cadre universel de normes minimales pour la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones du monde entier. Considérée par la Commission de vérité et réconciliation comme « le cadre de la réconciliation », la Déclaration est au coeur des efforts déployés pour remédier aux séquelles du colonialisme canadien.

Trois thèmes essentiels de la Déclaration des Nations Unies liés à la santé ont guidé le rapport In Plain Sight. La Déclaration réaffirme notamment le droit des peuples autochtones à la santé à l’article 24 (c’est nous qui soulignons) :

  1. Les peuples autochtones ont droit à leur pharmacopée traditionnelle et ils ont le droit de conserver leurs pratiques médicales, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animaux et minéraux d’intérêt vital. Les autochtones ont aussi le droit d’avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé.
  2. Les autochtones ont le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale. Les États prennent les mesures nécessaires en vue d’assurer progressivement la pleine réalisation de ce droit.

L’article 22 souligne qu’« une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones » en précisant qu’il faut veiller « à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties voulues ».

En outre, le droit des Autochtones à la santé comprend le plein accès aux services de soins de santé selon des modalités qui tiennent compte des visions du monde et des conceptions de la santé des Autochtones et s’y adaptent sans discrimination, entraves ou obstacles. En fin de compte, le système de santé doit être un système auquel les Autochtones peuvent accéder en toute confiance, sans réserve, et dans la cadre duquel leur culture, leur vision du monde et leur intégrité individuelle sont prises en compte et respectées dans les services qu’ils utilisent. Il est important de souligner les droits humains des Autochtones, car la nécessité de renforcer les droits fondamentaux de la personne est un aspect incontournable de la sécurisation culturelle dans les soins de santé. Les Autochtones doivent avoir accès à des soins respectueux et adaptés à leurs valeurs culturelles, et bénéficier de services qui rompent avec l’histoire coloniale de ségrégation et de traitement inférieur.

Enfin, le droit des Autochtones à la santé, qui englobe des droits individuels comme ceux de l’article 24 décrits ci-dessus, est indissociable du droit des Autochtones à l’autodétermination et de leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale. L’autodétermination signifie que les peuples autochtones exercent un contrôle sur leur santé et leur bien-être, notamment au moyen de leurs propres institutions gouvernantes, juridictions et lois. Ces droits sont spécifiquement défendus dans le contexte des peuples autochtones aux articles 3, 4 et 5 de la DNUDPA :

  • Article 3 : Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
  • Article 4 : Les peuples autochtones, dans l’exercice de leur droit à l’autodétermination, ont le droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales, ainsi que de disposer des moyens de financer leurs activités autonomes.
  • Article 5 : Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l’État.

Les gouvernements canadiens ont commencé à agir en ce qui concerne la centralité de la Déclaration des Nations Unies en faisant progresser la réconciliation et en promouvant la santé et le bien-être des peuples autochtones. La Colombie-Britannique a été à l’avant-garde de ce processus, en adoptant en novembre 2019 la loi intitulée Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act (DRIPA).

La DRIPA affirme l’application de la DNUDPA aux lois de la C.-B. (art. 2), ce qui signifie que la province et les institutions publiques doivent tenir compte des droits humains des peuples autochtones lorsqu’elles déterminent la façon d’agir conformément aux lois de la C.-B., notamment dans le domaine de la santé. La DRIPA exige également l’harmonisation des lois de la Colombie-Britannique avec la Déclaration des Nations Unies. La Colombie-Britannique est donc tenue d’examiner les lois existantes, ainsi que les nouvelles lois avant leur adoption, pour les harmoniser avec la Déclaration des Nations Unies, y compris les lois relatives à la santé. L’article 4 de la DRIPA exige que la province établisse un plan d’action pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies et qu’elle prenne des mesures pour mettre fin à la discrimination à l’égard des peuples autochtones en matière de santé et faire respecter le droit des Autochtones à la santé. Enfin, la DRIPA confirme un espace législatif pour les accords qui reconnaissent les organes directeurs autochtones et mettent en oeuvre la norme de consentement préalable donné librement et en connaissance de cause de la Déclaration des Nations Unies (art. 6 et 7).

Les constats de l’étude In Plain Sight mettent en lumière des observations critiques indiquant que les droits des peuples autochtones à la santé, tels que décrits dans la DNUDPA, ne sont pas respectés dans le système de santé de la Colombie-Britannique. Parmi les constats, mentionnons entres autres, les préjugés répandus sur les populations autochtones, qui conduisent à des situations discriminatoires dans les établissements de santé et à de moins bons résultats en matière de santé (constats 1 à 5), les conséquences particulières du système de santé sur les femmes autochtones (constat 3), le manque d’intégration totale des pratiques autochtones dans le système de soins de santé (constat 8) ainsi que l’insuffisance de présence et « d’enracinement » de dirigeants et de rôles autochtones dans les prises de décisions sur les questions qui concernent les Autochtones (constats 9 à 11).

Pour faire progresser la mise en oeuvre de la DNUDPA et la conformité à la DRIPA en Colombie-Britannique, In Plain Sight formule des recommandations visant d’une part, à aider les Autochtones à utiliser des services de santé respectueux des valeurs culturelles et exempts de discrimination et à accéder à des services reflétant leur conception de la santé, intégrée et interconnectée, et d’autre part, à soutenir l’autodétermination des Autochtones en matière de
soins de santé, notamment par des changements apportés aux lois, aux politiques et aux pratiques, ainsi que par l’attribution de rôles à des hauts fonctionnaires et à des établissements autochtones. Voici un bref aperçu de ces recommandations :

  • Harmonisation des lois et des politiques avec la DNUDPA et création de lois et de politiques en collaboration avec les peuples autochtones pour lutter contre le racisme et ancrer solidement la sécurité culturelle (recommandations 2, 5, 8, 9, 11, 18, 20, 21).
  • Création de nouveaux postes stratégiques autochtones et harmonisation avec les établissements autochtones existants pour soutenir des relations adéquatement structurées entre la province et les peuples autochtones (recommandations 3, 4, 6, 7, 13, 14).
  • Création de services et d’établissements de soins de santé culturellement adaptés qui tiennent compte des définitions autochtones de la santé et de la guérison (recommandations 8, 10, 15, 16, 17, 19, 23).

En outre, toutes les recommandations ont été soigneusement élaborées de façon à ce que les exigences de la DRIPA en matière de « consultation et de coopération » avec les peuples autochtones soient respectées et à ce que soit créé un espace pour les prises de décisions concertées et d’autres ententes avec les « organes directeurs autochtones » – organes dûment autorisés à agir au nom des peuples autochtones par les titulaires de titres et de droits appropriés. Dans cet esprit, chaque recommandation a soigneusement déterminé les domaines dans lesquels la consultation et la collaboration avec les peuples autochtones sont nécessaires, et/ou les entités autochtones qui doivent participer à sa mise en oeuvre, en précisant dans certains cas : les organes directeurs des Premières Nations, les organisations représentant les Premières Nations et/ou les organisations autochtones telles que la Régie de la santé des Premières Nations (RSPN), le Conseil de la santé des Premières Nations et la Nation métisse de la Colombie-Britannique.

L’accent mis par In Plain Sight sur les droits de la personne des Autochtones place le secteur de la santé de la Colombie-Britannique à l’avant-garde du changement transformateur, par l’utilisation de la DNUDPA comme « cadre de réconciliation » et par la prise en compte minutieuse des outils prévus par la DRIPA. Le plan d’action et les rapports annuels requis par la DRIPA offrent donc d’excellentes possibilités de renforcer l’engagement de la province à l’égard de In Plain Sight et d’accélérer des changements similaires requis dans d’autres secteurs de la société de la Colombie-Britannique.